Mort de la Branche-la-plus-pure





Deux années étaient presque passées depuis que Baha'u'llah avait été emprisonné dans la caserne, lorsque soudainement survint un événement des plus tragique. Ce fut le décès prématuré de Mirza Mihdi, nommé la Branche-la-plus-pure, le plus jeune frère de 'Abdu'l-Baha qui fut grièvement blessé lorsqu'il tomba du toit de la caserne.

En 1848, à une époque où les disciples du Bab étaient submergés par les souffrances et les persécutions, naquit un fils de Baha'u'llah et de son illustre femme Asiyih Khanum, nommée Navvab (voir vol.1). Il avait quatre ans de moins que 'Abdu'l-Baha et reçut le nom de Mihdi, du nom d'un frère de Baha'u'llah, cher à son coeur, et qui était décédé un an auparavant. Par la suite, la Plume du Très-Haut donna à son fils le titre de Ghusnu'llahu'l-Athar (la plus pure Branche).

Contrairement à 'Abdu'l-Baha, Mirza Mihdi ne pouvait pas bien se remémorer la vie luxueuse de Téhéran, car son père avait été emprisonné au Siyah-Chal lorsqu'il avait quatre ans, et tous ses biens furent pillés et saisis par les ennemis de la Cause. Durant les quatre mois que Baha'u'llah passa dans cet horrible cachot, la sainte Famille passait des jours d'angoisse et de crainte, ne sachant pas ce qui allait lui arriver. Souvent effrayé et anxieux, cet enfant d'âge tendre et de nature délicate trouva dans les bras d'une mère aimante et dévouée son seul abri et refuge. Mais la providence le priva aussi de cela. Comme le voyage vers Bagdad, entrepris dans le dur froid de l'hiver, était chargé d'épreuves et de dangers insupportables pour un enfant aussi délicat que Mirza Mihdi, il dut être laissé à Téhéran à la garde de parents. Pendant près de sept ans, il goûta l'agonie et le déchirement de la séparation de ses parents bien-aimés. Il semble que déjà en ce jeune âge, son âme était préparée par le Tout-Puissant, à travers la douleur et la souffrance, à jouer un rôle important dans l'arène du sacrifice et de verser un éclat impérissable sur la Cause de son divin Père.

Mirza Mihdi fut emmené à Bagdad pour rejoindre la Famille en 1276AH (vers 1860 EC). Ce fut dans cette ville que ce pur et saint jeune homme, remarqué pour son humilité, rencontra l'Esprit divin et fut magnétisé par les forces énergisantes de la révélation de Baha'u'llah. À partir de ce moment, il consacra chaque instant de sa vie au service de son divin Père. Il fut le compagnon de Baha'u'llah à Bagdad, Andrinople et Acre, et le servit comme secrétaire * vers la fin de sa vie, laissant à la postérité quelques épîtres écrites de sa main. Les dix dernières années de sa vie furent emplies des épreuves et des souffrances infligées à Baha'u'llah et à ses compagnons au cours des trois bannissements successifs de Bagdad à Acre.

*[nota: il faut noter ici que bien que Mirza Aqa Jan ait été le secrétaire de Baha'u'llah, de temps en temps il y avait d'autres personnes qui accomplissaient cette tâche]

La Branche-la-plus-pure ressemblait à 'Abdu'l-Baha et tout au long de sa courte vie pleine d'événements, il fit preuve des mêmes qualités spirituelles qui distinguaient son illustre frère. Les croyants l'aimaient et le vénéraient comme ils aimaient et vénéraient 'Abdu'l-Baha.

À Acre, la Branche-la-plus-pure vivait dans la caserne près de son Père. Souvent, il allait tard dans l'après-midi en la présence de Baha'u'llah pour lui servir de secrétaire. Le 22 juin 1870, tôt dans la soirée, Baha'u'llah informa son fils que ce soir-là, il n'avait pas besoin de lui pour écrire et qu'il pouvait monter sur le toit et prier et méditer comme à son habitude. C'était un exercice normal pour les prisonniers que de monter sur le toit pour avoir un peu de fraîcheur après la chaleur d'un jour d'été. La Branche-la-plus-pure marchait souvent de long en large sur le toit, chantant des prières et méditant. Mais ce soir fatal, tandis qu'il chantait les versets de Qasidiy-i-Varqa'iyyih, un des plus émouvants poèmes de Baha'u'llah révélé dans le Kurdistan (voir vol.1), il fut transporté par un élan de total détachement et de joie. Tandis qu'il marchait les yeux fermés le long de cet espace familier, absorbé dans ses méditations coutumières, il tomba à travers une ouverture sur un cageot ouvert posé sur le sol plus bas. Il fut grièvement blessé et saignait abondamment. Ses blessures étaient si horribles qu'ils furent obligés de déchirer ses vêtements pour les lui ôter. Ce qui suit est un résumé du récit des circonstances tragiques de la chute et de la mort de la Branche-la-plus-pure:

Il est impossible pour quiconque d'imaginer la mesure de l'humilité et de la sobriété, et de l'intensité du dévouement et de la modestie que la Branche-la-plus-pure manifesta dans sa vie. Il était de quelques années plus jeune que le Maître, mais légèrement plus grand que lui. Il servait de secrétaire à Baha'u'llah et transcrivait les Écrits... Lorsqu'il avait fini d'écrire, il avait pour habitude de monter sur le toit de la caserne pour prier. Il y avait là une ouverture au milieu du toit près de l'endroit où se trouvait la cuisine. Tandis qu'il marchait dans un état de prière, attiré vers le Royaume d'Abha, son visage tourné vers le haut, il tomba à travers cette ouverture sur des objets très durs. Le son terrible de l'impact nous fit tous courir vers la scène de la tragédie où nous vîmes avec stupéfaction ce qui, décrété par Dieu, était arrivé et nous en fûmes choqués au point de nous frapper sur la tête. Puis la Beauté ancienne sortit la pièce et lui demanda ce qu'il avait fait qui ait pu occasionner une telle chute. La Branche-la-plus-pure répondit qu'il savait bien où se trouvait l'ouverture et qu'il avait toujours fait attention à ne pas s'en approcher, mais cette fois-ci c'était son destin de l'avoir oublié.

Nous portâmes son corps précieux dans sa chambre et appelâmes un médecin qui était italien, mais il ne put rien faire... Malgré une grande douleur de l'agonie et une grande faiblesse, il accueillit chaleureusement ceux qui venaient à côté de son lit, les combla d'une abondance d'amour et de faveurs et s'excusa auprès de chacun, disant qu'il était honteux de voir qu'ils étaient tous assis et que lui était allongé en leur présence... (n°1 mémoire non publiée)

Des membres de la sainte Famille et quelques compagnons se réunirent autour de lui et tous étaient si bouleversés et accablés de douleur, que 'Abdu'l-Baha, les larmes aux yeux, alla vers Baha'u'llah, se prosterna à ses pieds et supplia qu'il soit guéri. Il a été rapporté que Baha'u'llah a dit "Ô Ma Branche-la-plus-grande ('Abdu'l-Baha) laisse-le dans les mains de Dieu". Il se dirigea alors au chevet de son fils blessé, renvoya tout le monde hors de sa présence et resta quelque temps à côté de lui. Quoique personne ne sache ce qui se passa durant cette heure précieuse, entre l'amant et le Bien-Aimé, nous pouvons être certains que ce fils de Baha'u'llah, dont la dévotion et l'amour pour la cause de son père ne connaissait pas de limite, a dû être transporté par les effusions de bienfaits et d'amour de son Seigneur.

Il faut se souvenir que la relation entre Baha'u'llah et les membres de sa famille qui demeurèrent fidèles à la Cause, n'était pas identique aux relations qui existent entre les membres des autres familles. Habituellement, chez eux, un père et un fils ont une attitude très intime et informelle l'un envers l'autre. Mais dans le cas de Baha'u'llah et de ces enfants fidèles c'était en vérité, très différent, bien que cette relation intime de père et fils existât entre eux. Cependant, le rang de Baha'u'llah comme Manifestation de Dieu éclipsait complètement le fait qu'il soit leur père physique. 'Abdu'l-Baha, la Très-Sainte-Feuille et la Branche-la-plus-pure considéraient Baha'u'llah non seulement comme leur père mais aussi comme leur Seigneur. Et comme ils avaient sincèrement reconnu son rang, ils agissaient en tous temps à son Seuil comme les plus humbles serviteurs. 'Abdu'l-Baha se rendait toujours en présence de Baha'u'llah dans une attitude tellement humble et respectueuse qu'aucun des disciples n'aurait pu, comme lui, manifester un esprit de modestie et de total effacement. L'humilité de 'Abdu'l-Baha en s'inclinant devant son Père, ou se prosternant à ses pieds ou descendant de sa monture lorsqu'il approchait de la demeure dans laquelle résidait Baha'u'llah, montre cette relation unique existant entre ce père et ses fils et sa fille fidèles.

Nous pouvons mieux apprécier, à la lumière de ce qui précède, l'émotion de la Branche-la-plus-pure lorsque son Père vint près de son lit. Nous ne pouvons en imaginer les expressions de dévouement, d'amour et de louanges qui à cette occasion durent sortir de sa bouche. Tout ce que nous savons est que Baha'u'llah, qui avait dans ses mains le pouvoir de vie ou de mort, demanda à son fils mourant s'il désirait vivre. Il lui assura que si c'était là son désir, Dieu lui permettrait de guérir et lui donnerait une bonne santé. Mais la Branche-la-plus-pure supplia Baha'u'llah d'accepter sa vie en rançon pour l'ouverture des portes de la prison aux nombreux croyants qui aspiraient à venir et à se trouver en présence de leur Seigneur. Baha'u'llah accepta son sacrifice et il mourut le 23 juin 1870, vingt-quatre heures après sa chute.

Ainsi se termina la vie de celui dont Baha'u'llah déclare qu'il "avait été créé de la lumière de Baha", dont la naissance avait eu lieu durant certaines des heures obscures dans l'histoire de la Foi, dont l'enfance s'était passée dans le berceau de l'adversité, dont l'âme avait très tôt été embrasée par le feu des épreuves et de la séparation, dont les jours de joie s'étaient passés en exil et à l'intérieur des murs d'une prison, et dont la mort tragique l'avait vêtu du vêtement cramoisi du sacrifice, répandant ainsi un éclat impérissable sur la Cause de son glorieux Père.

La mort de la Branche-la-plus-pure à l'intérieur des murs de la prison créa un profond émoi parmi les compagnons qui se lamentaient de la perte de l'un des plus glorieux membres de la famille de Baha'u'llah. Ce qui suit est un résumé des notes de Husayn-i-Ashchi:

Lorsque la Branche-la-plus-pure mourut, Shaykh Mahmud supplia le Maître de lui permettre d'avoir l'honneur de laver le corps et de ne laisser personne * de la ville d'Acre accomplir cette tâche. Le Maître donna la permission. Une tente fut plantée au milieu de la caserne. Nous plaçâmes son corps béni sur la table au milieu de la tente et, Shaykh Mahmud commença à le laver **. Les aimés de Dieu pleuraient et se lamentaient les yeux pleins de larmes et, comme des papillons de nuit, tournaient autour de cette chandelle que les mains de Dieu avaient allumée. J'apportai l'eau et m'occupai à laver le corps. Le Maître arpentait de long en large devant la tente. Son visage trahissait des signes de profonde tristesse...

*[nota: dans les pays islamiques le corps du défunt est lavé avant d'être enveloppé dans un linceul. Dans chaque ville, il y a des hommes dont la profession est de laver les morts]
**[nota: une autre personne qui aida à laver le corps était Mirza Hasan-i-Mazindarani, le cousin de Baha'u'llah]

Après avoir été lavé et mis dans un linceul, le corps fut déposé dans un nouveau cercueil. À ce moment, les cris des pleurs et des lamentations s'élevèrent vers les cieux. Le cercueil fut porté sur les épaules des hommes hors de la prison avec la plus grande sérénité et majesté. Il fut enterré hors d'Acre dans le cimetière de Nabi Salih... Au moment du retour dans la prison un tremblement de terre secoua la région et nous sûmes tous que c'était l'effet de la mise en terre de cet être sanctifié. (n°2 idem en anglais)

Nabil-i-A'zam avait dit que Siyyid Mihdiy-i-Dahaji (voir vol.2) et Nabil-i-Qa'ini étaient à Nazareth lorsque le tremblement de terre eut lieu. Il dura près de 3 minutes et les gens étaient effrayés. Plus tard, lorsqu'ils entendirent la nouvelle du décès de la Branche-la-plus-pure, ils réalisèrent que cela coïncidait avec l'heure de son enterrement et ils en comprirent alors la raison. Dans l'une de ses tablettes se référant à la Branche-la-plus-pure, Baha'u'llah confirme la cause du tremblement de terre par ces paroles:

Béni sois-tu et béni soit celui qui se tourne vers toi et visite ta tombe et qui par toi s'approche de Dieu, le Seigneur de tout ce qui a été et sera... Je témoigne qu'avec humilité tu es retourné dans ta demeure. Grande soit ta béatitude et la béatitude de ceux qui s'accrochent fermement à l'ourlet de ton vêtement déployé... Tu es, en vérité, la propriété de Dieu et son trésor en cette terre. Sous peu, grâce à toi, Dieu révèlera ce qu'il a désiré. Il est en effet, la Vérité, Celui qui connaît les choses invisibles. Lorsque tu fus mis en terre, la terre elle-même trembla dans son désir de te rencontrer. Ainsi en avait-il été décrété et pourtant les gens ne le comprirent pas... Si nous devions raconter les mystères de ton ascension, ceux qui sont endormis s'éveilleraient et tous les êtres seraient enflammés par le feu du souvenir de mon nom le Puissant, l'Aimant. (n°3 Cité par Shoghi Effendi, 21 décembre 1939, "les puissances spirituelles de ce lieu sacré", Messages à l'Amérique, p.34)

Après sa mort tragique, la sainte mère de la Branche-la-plus-pure porta le deuil de son fils bien-aimé et pleura presque sans cesse. Lorsque Baha'u'llah l'assura que Dieu avait accepté son fils en rançon, pour que les croyants puissent arriver en présence de leur Bien-Aimé et pour que l'humanité dans son ensemble soit régénérée, cette noble mère fut consolée et ses pleurs cessèrent.

Les vêtements tâchés de sang de la Branche-la-plus-pure sont parmi les reliques précieuses réunies par les mains de sa soeur dévouée, la Très-Sainte-Feuille, et laissés à la postérité comme témoins silencieux de ce grand sacrifice.

Peu de temps après le martyr de la Branche-la-plus-pure, beaucoup des restrictions de la prison furent assouplies et de nombreux croyants qui aspiraient à être en présence de Baha'u'llah purent le faire. Et à peu près quatre mois après cet événement tragique, Baha'u'llah et ses compagnons quittèrent complètement la caserne. Comme nous le verrons par la suite, Baha'u'llah résida dans une maison à Acre et bientôt de nombreux pèlerins de Perse vinrent le voir et accédèrent à sa présence.

En décembre 1939, Shoghi Effendi le Gardien de la Foi, en dépit de grands dangers et difficultés et en la compagnie de quelques amis, avec le plus grand soin, et de ses propres mains, retira de deux cimetières différents de Acre, les restes de la Branche-la-plus-pure, ainsi que ceux de son illustre mère, et lors d'une cérémonie profondément émouvante le jour de Noël et en présence de quelques croyants, porta les cercueils sur ses propres épaules et enterra ces restes sacrés sur un versant du mont Carmel, attenant à la dernière demeure de la Très-Sainte-Feuille et avoisinant le Tombeau du Bab. (voir appendice III)

Le décès de la Branche-la-plus-pure doit être considéré comme le propre sacrifice de Baha'u'llah, un sacrifice au même niveau que la crucifixion du Christ et du martyre du Bab. Shoghi Effendi, le Gardien de la Foi, déclare que Baha'u'llah a exalté la mort de la Branche-la-plus-pure au "rang de ces grands actes de rachat correspondant au sacrifice qu'Abraham se disposait à faire de son fils, à la crucifixion de Jésus-Christ et au martyre de l'Imam Husayn... (n°4 Dieu passe près de nous, p.180) Une autre fois, Shoghi Effendi déclara (n°5 Lettre aux croyants d'Orient, 25 décembre 1939) que dans la "dispensation" babie, c'est le Bab lui-même qui sacrifia sa vie pour la rédemption et la purification de l'humanité. Dans la "dispensation" de Baha'u'llah, ce fut la Branche-la-plus-pure qui donna sa vie libérant ainsi toutes les forces nécessaires pour susciter l'unité de l'humanité.

Quoique dans ce monde nous ne puissions pas véritablement comprendre le mystère du sacrifice, nous pouvons trouver à travers les Écrits qu'un pouvoir immense est libéré lorsque l'homme sacrifie quelque chose dans le sentier de Dieu. Nous avons déjà discuté de ce thème dans le volume 2 . Dans l'une de ses tablettes, 'Abdu'l-Baha explique qu'une graine ne pourra jamais produire d'arbre à moins qu'elle ne se soit complètement désintégrée dans la terre. C'est alors, qu'un objet aussi insignifiant qu'une graine, en se sacrifiant totalement, sera transformée en un arbre puissant portant des branches, des fruits et des fleurs. C'est la même chose lorsque l'homme sacrifie quelque chose qui lui appartient.

Un être humain a deux forces opposées qui agissent en lui, l'animale et la spirituelle. La nature animale fait s'incliner l'homme vers le monde matériel. Les Manifestations de Dieu ont exhorté leurs disciples à se détacher de leurs inclinaisons matérielles afin que leur côté spirituel puisse dominer sur le physique. Comme nous l'avons déjà déclaré ici et dans des volumes précédents (voir vol.1 et 2), le mot détachement ne signifie pas renoncement au monde, la mendicité ou l'ascétisme. Pour résumer en un seul mot, le détachement signifie soumettre sa volonté à celle de Dieu et rechercher son bon plaisir au-dessus du sien propre. Par conséquent, le défi qui fait face à chaque croyant dans cette vie est le détachement de tout sauf de Dieu. Être détaché de certaines choses de ce monde est souvent un processus douloureux et c'est là que le sacrifice devient nécessaire, car l'homme est attiré vers le monde matériel et, par nature, vers lui-même. Lorsque le croyant sacrifie quelque chose de ce monde, un acte qui implique de la douleur et de la souffrance ou de la privation de bénéfices matériels, il atteindra une position spirituelle plus élevée égale à la mesure de son sacrifice.

Et comme en témoigne Baha'u'llah dans ses Écrits, lorsqu'il abandonne quelque chose qui lui est cher pour l'amour de la cause de Dieu, des forces mystérieuses sont libérées qui permettent à la Foi de grandir. Offrir de son temps, travailler pour l'établissement de la Foi dans une localité, abandonner le confort de la maison et partir comme pionnier baha'i vers des terres étrangères, offrir ses richesses pour la promotion de la Cause, être persécuté pour sa foi, tous ces sacrifices sont méritoires à la vue de Dieu et sans aucun doute, ils apporteront la victoire à la cause de Baha'u'llah, pourvu que les motifs soient purs et sincères. Mais sacrifier sa propre vie dans le chemin de Dieu lorsque les circonstances le demandent est le sacrifice ultime dans le royaume du sacrifice. C'est comme une graine qui sacrifie tout à la terre. Des milliers de martyrs en Perse, se trouvant face au choix de renier leur Foi ou de mourir, ont libéré, par leur sacrifice, d'énormes forces spirituelles pour la promotion et la consolidation de la cause de Baha'u'llah. Car deux choses sont essentiellement responsables pour la propagation de la Foi et sa pénétration dans le coeur des hommes. L'une est le flot d'énergies de la révélation régénératrice et émouvante de Baha'u'llah qui comme les rayons du soleil au printemps donne une nouvelle vie à toutes choses créées, l'autre est le sang du martyr qui arrose l'arbre de sa Cause. Dans une de ses lettres (n°6 Lettre aux croyants d'Orient, Ridvan 89 (avril 1933), Shoghi Effendi a attribué toutes les grandes victoires de la Cause dans le monde occidental, y compris la conversion de la Reine Marie de Roumanie (voir "Dieu passe près de nous") aux mystérieuses forces libérées par le sang d'innombrables martyrs en Perse. Cependant, dans cette "dispensation", Baha'u'llah a exhorté ses disciples à ne pas rechercher le martyre. Inversement il a décrété que les croyants devraient vivre pour enseigner la Foi, et a élevé la récompense de l'enseignement au niveau de celle du martyr. (voir vol.2)

Comme s'était le sacrifice de Baha'u'llah lui-même, la Branche-la-plus-pure, en offrant sa vie en rançon pour l'ouverture des portes de la prison, libéra d'incalculables énergies spirituelles à l'intérieur de la société humaine, énergies qui avec le temps, selon les dires de Baha'u'llah, entraîneront l'unité de l'espèce humaine. Dans une prière révélée par Baha'u'llah le jour du décès de la Branche-la-plus-pure, il a fait la déclaration suivante que Shoghi Effendi décrit comme "incroyable".

"Glorifié sois-tu, ô Seigneur, mon Dieu ! Tu me vois aux mains de mes ennemis et mon fils taché de sang devant ton visage, ô toi dans les mains de qui se trouve le royaume de tous les noms. Je t'ai, ô mon Seigneur, offert ce que tu m'avais donné, afin que tes serviteurs puissent être vivifiés et que tous ceux qui vivent sur terre puissent être unis." (N°7 cité dans Messages to America)

Il est fort probable que sans ces paroles de Baha'u'llah révélant les immenses potentialités de ce sacrifice, aucun de ses disciples n'aurait jamais pu imaginer la signification de la mort de ce noble fils. Shoghi Effendi, citant le passage ci-dessus, dans une lettre adressée aux croyants d'Orient (n°8 25 décembre 1939) à l'occasion du transfert des restes de la Branche-la-plus-pure et de son illustre mère à leur dernière demeure glorieuse sur le Mont Carmel, a précisé que l'éveil des peuples du monde, l'unité des nations sur cette planète et l'unité du genre humain - qui sont les principaux objectifs de cette révélation - seront tous accomplis par les forces mystérieuses libérées par le sacrifice de la Branche-la-plus-pure.

Comme il est donc approprié que les bâtiments destinés à abriter les institutions administratives internationales de la Foi - ce véhicule par lequel cet Ordre de Baha'u'llah qui englobe et rachète le monde, doit être établi sur la surface de cette planète, réalisant ainsi l'unité de la race humaine - soient situés autour d'un arc sur les flancs du Mont Carmel, au centre même duquel se trouve non seulement les restes de l'illustre fille de Baha'u'llah, la Très-Sainte-Feuille, et de sa mère, mais aussi ceux de son noble fils sacrifié par son Père Tout-Puissant pour que nous, ses serviteurs, "soyons vivifiés et que soient unis tous ceux qui vivent sur terre".

Entrant dans les détails du développement futur du Centre Mondial de la Foi, et ses liens spirituels avec ces trois membres de la famille de Baha'u'llah, Shoghi Effendi, dès 1939 écrivait ces paroles extrêmement éclairantes:

Car il faut clairement comprendre, et cela n'est jamais assez mis en valeur, que l'installation de la dernière demeure de la Très-Sainte-Feuille avec celle de son frère et de sa mère, renforce d'une manière incalculable les puissances spirituelles de ce Lieu consacré qui, sous les ailes dominantes de la sépulture du Bab, et dans le voisinage du futur Mashirqu'l-Adhkar (Littéralement "le Point de la mention de Dieu", une maison d'adoration baha'ie qui sera érigé sur son flanc, est destiné à devenir le centre focal de ces institutions administratives qui ébranleront, engloberont et dirigeront le monde, comme ordonné par Baha'u'llah et préfiguré par 'Abdu'l-Baha et qui doivent fonctionner en accord avec les principes qui gouvernent les institutions jumelles du Gardiennat et de la Maison Universelle de Justice. Alors, et alors seulement, sera accomplie la prophétie grandiose qui illumine le dernier passage de la Tablette du Carmel *.

*[nota: la Tablette du Carmel révélée par Baha'u'llah peut être considérée comme la charte de la construction du Centre mondial de la Foi. Nous parlerons de cette tablette dans le prochain volume]

"Avant peu, Dieu fera voguer son arche sur toi et manifestera le peuple de Baha mentionné dans le Livre des Noms."

Essayer de s'imaginer, même de la plus simple façon, la gloire qui doit envelopper ces institutions, tenter même une esquisse ou une description partielle de leur caractère ou de la façon dont elles fonctionneront ou tracer, aussi peu que ce soit, le cours des événements menant à leur élévation et finalement à leur établissement, est bien au-delà de mes propres capacité et pouvoir.

"Il suffit de dire qu'à ce stade troublé de l'histoire mondiale, l'association de ces trois âmes incomparables et précieuses, qui, dans un Centre administratif si potentiellement puissant et spirituel, à côté des trois Personnages centraux de notre Foi, dépassant en rang la vaste multitude des héros, Lettres, martyres, Mains, enseignants et administrateurs de la cause de Baha'u'llah, est en soi un événement qui va libérer des forces destinées à accélérer la naissance, dans un pays qui géographiquement, spirituellement et administrativement, constitue le coeur de la planète tout entière, de certaines des plus brillantes gemmes de cet Ordre mondial en train de se former dans le sein de cet âge en travail." (n°9, Messages to America, p.32-3)

Le triste événement de la mort de la Branche-la-plus-pure n'empêcha pas la Plume du Très-Haut de révéler les paroles de Dieu. La Manifestation de Dieu ne s'intéresse pas que d'une chose à la fois et rien de ce monde ne peut le distraire de sa vision qui englobe toute chose. Il n'est pas limité, comme le sont les êtres humains, dans ses relations avec les choses. Nous avons déjà discuté de la Manifestation de Dieu dans des précédents volumes (voir vol.1 et vol.2), Le jour même où la Branche-la-plus-pure s'éleva dans les Royaumes d'en Haut, Baha'u'llah révéla une épître en l'honneur de l'un des croyants de Qazvin, dans laquelle il rend hommage à son fils et répand sur lui ses bénédictions. Voici un extrait de cette épître:

"En cet instant même, mon fils est lavé devant moi après que dans la Plus-Grande-Prison, nous l'ayons sacrifié. Cela fit pleurer les habitants du Tabernacle d'Abha avec de grands sanglots et ceux, qui dans le chemin de Dieu, le Seigneur du jour promis, ont souffert l'emprisonnement avec cet Adolescent, se lamentent. De telles conditions n'empêchent pas ma plume de se souvenir de son Seigneur, le Tout-Puissant, le Très-Miséricordieux. C'est le jour où celui qui a été créé par la lumière de Baha a souffert le martyre en un temps où il était en prison aux mains de ses ennemis.
Sur toi, ô Branche de Dieu ! soient le souvenir de Dieu et sa louange, et la louange de tous ceux qui habitent dans le royaume d'immortalité, et de tous les citoyens du Royaume des noms. Sois heureux car tu as été fidèle à l'alliance de Dieu et à son pacte, jusqu'à ce que tu te sacrifies devant ton Seigneur, le Tout-Puissant, Celui qui n'a pas de contrainte. Certes, tu as été opprimé et de cela témoigne sa Beauté, l'Absolu. Dans les premiers jours de ta vie, tu as supporté ce qui a fait gémir toutes choses, et fait trembler toutes les colonnes. Heureux celui qui se souvient de toi et, grâce à toi, s'approche de Dieu, le Créateur de l'aurore." (n°10 cité dans "Messages to America")

- Lawh-i-Pisar-'Amm (Tablette au Cousin):

Cette tablette a été révélée dans la prison d'Acre, en l'honneur de Mirza Hasan - i-Mazindarani, un cousin de Baha'u'llah. Nous avons déjà indiqué que Mirza Hasan réussit à pénétrer dans la prison et à y demeurer quelque temps. Il était présent lorsque décéda la Branche-la-plus-pure et assista Shaykh Mahmud pour laver le corps. Cette tablette fut révélée lorsque Baha'u'llah commanda à Mirza Hasan de retourner chez lui. Ce parent de Baha'u'llah lui était très cher. C'est Baha'u'llah lui-même qui au premier temps du ministère du Bab avait converti à la Foi son père Mulla Zaynu'l-'Abidin (un oncle paternel de Baha'u'llah). Son fils, Mirza Hasan était dévoué à la Cause et s'était consacré au service de son Auteur.

Dans les passages d'ouverture de cette tablette, Baha'u'llah exhorte Mirza Hasan de rendre grâce à Dieu pour lui avoir permis d'aller en la présence de son Seigneur, à être le premier parent à l'avoir rencontrer en Terre sainte. Et aussi, d'amasser ses faveurs divines grâce auxquelles les liens familiaux ne furent pas rompus. Il affirma que le bienfait de garder ce lien familial était si précieux que rien en ce monde ne pouvait l'égaler.

Comme nous l'avons déjà indiqué dans des volumes précédents (voir vol.1 et vol.2), un certain nombre de parents de Baha'u'llah, comprenant oncles et cousins, ainsi que frères et soeurs, reconnurent pleinement le rang de Baha'u'llah et devinrent ses disciples dévoués. À sa vue, ils se distinguaient des autres, car ils avaient consolidé leur relation physique avec les liens spirituels de foi. Étant donné que la mission principale d'une Manifestation de Dieu est de conférer la vie spirituelle sur les âmes, ceux qui en sont privés sont par conséquent, à son avis, comptés comme morts. Dans les Écrits de Baha'u'llah et dans les Livres saints des autres religions, le mot "mort" sert souvent pour faire référence à ceux qui sont dépourvus de foi et de vie spirituelle. Compte tenu de ceci, il devient clair que les parents de Baha'u'llah qui n'étaient pas illuminés par la lumière de la foi avaient, en vérité, rompu leur relation avec lui.

Dans cette tablette, Baha'u'llah exhorte Mirza Hasan à faire mention de son Seigneur et à se conduire de telle façon que les gens puissent percevoir en lui les fragrances du Bien-Aimé, et témoigner de la pureté et de l'excellence de ses actions, actions dignes d'éloge aux yeux de Dieu. Il lui conseille de se détacher du monde et de ses vanités transitoires. Au lieu de cela, il doit s'efforcer de se vêtir de la gloire de son Nom impérissable et éternel.

Le reste de la tablette consiste en des exhortations pour les autres personnes. Tout d'abord, il y a un long message qui semble être adressé au demi-frère de Baha'u'llah, Mirza Rida-Quli. Dans cette tablette, il ne mentionne pas son nom, mais on peut déduire d'après le ton et le contenu des paroles de Baha'u'llah que c'est probablement lui. Dans un précédent volume (voir vol.1), nous avons brièvement fait allusion à son frère. Bien que sa femme Maryam (voir vol.1) une cousine de Baha'u'llah fut une croyante fervente, Mirza Rida-Quli n'était pas personnellement assez suffisamment touché par la lumière de la Foi pour pénétrer dans le refuge. Il resta éloigné de Baha'u'llah. Il y a même un commentaire dans cette tablette sur le fait qu'à un moment il avait demandé à Baha'u'llah de ne pas lui écrire. Il faut dire que, de temps à autre, Baha'u'llah gardait contact avec ce frère et lui conseillait vivement d'ouvrir sa vision intérieure afin de pouvoir voir son Seigneur et embrasser sa Foi. Dans cette tablette Baha'u'llah exprime sa tristesse et son profond chagrin pour un frère qui se tenait à l'écart de la cause de Dieu, et avec une affectueuse bonté l'exhortait à se lever et à s'amender.

Mirza Rida-Quli était tenu en grande estime à Téhéran. Le récit suivant de Haji Mirza Haydar-'Ali éclaircit son attitude envers Baha'u'llah. L'histoire se rapporte à Mirza Husayn-Khan-i-Mushiru'd-Dawlih (voir vol.2, passim) qui pendant dix ans fut ambassadeur de Perse en Turquie. Il fut rappelé à Téhéran et en 1871 fut fait Premier ministre:

"Et lorsqu'il (le Mushiru'd-Dawlih) alla à Téhéran, les ministres, chefs et dignitaires vinrent lui rendre visite. Parmi eux se trouvait feu Haji Mirza Rida-Quli, un demi-frère de la Beauté ancienne. Il fut présenté comme étant un frère de Baha'u'llah. Gêné et craintif, il dit: "J'ai un père, pourquoi ne peut-on me présenter à travers lui ?" Entendant cela le Mushiru'd-Dawlih s'exclama sur un ton de reproche: "Vous devriez être fier et vous glorifier d'être le frère de Baha'u'llah ? C'est un très grand honneur et une source de fierté pour la Perse et le peuple de Perse que Baha'u'llah soit natif de ce pays. De tout temps, chaque fois qu'un prince, ministre ou dirigeant allait de Perse à Istanbul, il devenait pour diverses raisons une cause de déshonneur et d'humiliation pour le gouvernement et le peuple de Perse... Bien que ce soit le gouvernement qui l'ait exilé, Baha'u'llah se conduit avec une telle fermeté et une telle dignité et manifeste une telle grandeur et une telle gloire que véritablement il fait revivre la Perse et ses peuples..." (n°11 cité par Haji Mirza Haydar-'Ali, biographie non publiée de Mirza Abu'l Fadl, p.150)

Qu'un tel hommage, si élogieux, soit rendu par Mirza Husayn-Khan le Mushiru'd-Dawlih (concernant le changement qui eut lieu dans son attitude envers Baha'u'llah, voir vol.2) qui dans les premiers temps de sa fonction d'ambassadeur de Perse en Turquie avait assidûment travaillé contre Baha'u'llah, mais qui par la suite changea d'attitude, est une preuve que rien ne peut être aussi efficace que de pures et saintes actions pour convaincre les gens de la vérité de la cause de Dieu. Nous trouvons dans les Écrits de Baha'u'llah de nombreuses exhortations à ce sujet. Dans les Ishraqat (Splendeurs) Baha'u'llah déclare:

"Dans cette révélation, les armées capables de la rendre victorieuse sont les armées des actes louables et d'un caractère droit." (N°12 Tablettes de Baha'u'llah)

Dans une autre tablette, il déclare:

L'homme est semblable à un arbre. S'il est orné de fruits, il a été et sera toujours l'objet de louanges et d'éloges. Autrement, un arbre sans fruits n'est bon qu'à mettre au feu. Les fruits de l'arbre humain sont exquis, hautement désirés et tendrement choyés. Parmi eux se trouvent un caractère droit, des actes vertueux et une bonne parole. Le printemps des arbres terrestres revient une fois par an, alors que celui des arbres humains arrive pendant les jours de Dieu - exaltée soit sa gloire. Si les arbres des vies humaines s'ornaient en ce divin printemps des fruits qui viennent d'être mentionnés, l'éclat de la lumière de la justice illuminerait, sans aucun doute, tous les habitants de la terre, et chacun d'eux vivrait dans la tranquillité et le contentement à l'ombre protectrice de celui qui est la raison d'être de toute l'humanité. (N°13 Tablettes de Baha'u'llah, p.267)

Et dans Lawh-i-Dunya (la tablette du monde) Baha'u'llah déclare:

Cet Opprimé a interdit au peuple de Dieu de s'engager dans la voie de la discorde ou du conflit et les a exhortés à agir équitablement et à posséder un caractère louable. Aujourd'hui, l'armée capable d'assurer la victoire de sa cause est composée de ceux qui ont une bonne conduite et un saint caractère. Bénis sont ceux qui les suivent fermement et malheur à ceux qui s'en détournent. (N°14 Tablettes de Baha'u'llah, p.92)


La révélation de Baha'u'llah



Volume 3 - Adib Taherzadeh
Akka 1868-1877

   

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